On entend régulièrement qu’il faut manger des fibres : dans les médias, chez son médecin, sur Internet ou parfois dans la bouche d’un coach.
Mais pourquoi ? Quel(s) intérêt(s) les fibres ont-elles réellement ? Et surtout, quel(s) intérêt(s) pour les sportifs ou les pratiquants de la musculation ?
Autant d’interrogations auxquelles nous allons essayer de répondre :
Les fibres sont des polysaccharides (chaîne plus ou moins longue de différents sucres simples). On les retrouve dans les plantes, chez lesquelles elles ont principalement un rôle de structure. Nous sommes incapables de les digérer.
Les fibres peuvent se classer en plusieurs catégories, les plus connues étant les fibres insolubles et les fibres solubles.
Comme leur nom l’indique, les fibres insolubles sont incapables de se dissoudre dans l’eau. Les plus connues sont la lignine, la cellulose et l’hémicellulose. Elles jouent surtout un rôle de structure dans l’enveloppe externe des végétaux. Ainsi, on en retrouve beaucoup dans les oléagineux (peau des amandes par exemple), les céréales complètes (le son), les légumineuses ou les fruits (peau d’une pomme).
Elles parcourent le tube digestif de manière inchangée. Leur rôle est donc plutôt mécanique. Elles vont stimuler le déplacement de la nourriture dans l’estomac et l’intestin. Par conséquent, elles seront des fibres de choix en cas de constipation chronique. Mais avec parcimonie, car ce caractère “solide” ou “insoluble” les rend plus agressives pour les intestins sensibles.
Il est important de noter qu’un transit régulier est associé à un risque significativement plus faible de cancer du côlon et d’hémorroïdes. Probablement parce que lorsque le transit est rapide, les molécules cancérigènes, ou potentiellement cancérigènes, restent moins longtemps en contact avec le côlon.
Vous l’aurez compris, les fibres solubles sont… solubles. C’est-à-dire qu’elles se dissolvent dans l’eau. Dans le règne végétal elles jouent également un rôle de structure mais cette fois plutôt de structure interne. Les plus connues sont les pectines, les gommes et les mucilages.
Les fibres solubles possèdent une caractéristique fondamentale qui leur confère une bonne partie de leur intérêt : elles peuvent être fermentées par les bactéries.
Les fructanes sont une catégorie de fibres dont on entend encore peu parler. Ce sont des polymères du fructose qui sont empiriquement appelés le plus souvent “prébiotiques”, alors que ce terme est en fait bien plus vaste.
On classe généralement les fructanes en deux catégories : ceux dont le degré de polymérisation est inférieur à 10 et ceux dont le degré est supérieur à 10,
On appelle fructo-oligosaccharides (FOS) les premiers et inuline les deuxièmes.
Ces fibres, du fait de leur composition, peuvent servir d’édulcorant. Le goût sucré étant d’autant plus prononcé que le degré de polymérisation est plus faible. Ainsi les FOS ont-ils un pouvoir sucrant moyen situé autour de 50 % de celui du saccharose (sucre de table) et l’inuline un pouvoir moyen de 10 %. On le constate aussi en mangeant les aliments qui en contiennent, tels que l’ail, l’oignon, la chicorée ou les artichauts.
Le chitosan est une fibre très particulière. C’est une osamine (sucre aminé), produite chimiquement ou enzymatiquement à partir de la carapace des crustacés.
Ceci lui confère certaines propriétés particulières, notamment d’être soluble en milieu acide et d’être chargé positivement. Ainsi, il a la capacité de se lier (faiblement) à certaines molécules comme les acides biliaires (chargés négativement) et certains acides gras.
Le chitosan est donc utilisé en tant que complément alimentaire pour diminuer le taux de cholestérol ou pour faire maigrir, en diminuant l’absorption des lipides alimentaires. Les effets semblent néanmoins très limités et une utilisation régulière pourrait exposer à un risque de carence en vitamines liposolubles (A, D, E, K), à des interactions avec certains traitements médicamenteux (en réduisant leur absorption) et à quelques troubles du transit (diarrhée, constipation).
Pour mieux comprendre le fonctionnement de notre flore, retraçons grossièrement les évènements. Dans l’estomac, la production importante d’acide diminue la prolifération d’un grand nombre de bactéries dans ce dernier et dans l’intestin grêle (ou “petit intestin”). Puis, dans le gros intestin, la fermentation des glucides commence dans la partie ascendante (à votre droite), en raison d’un pH acide. On parle ici de flore de fermentation, et c’est là qu’on retrouve la majorité des bactéries “bénéfiques”.
Plus loin, dans la partie descendante (à votre gauche), le PH remonte et c’est là que se fera la majeure partie de la fermentation des protéines. Cette fermentation peut produire des toxines et des molécules cancérigènes lors de la désamination des protéines et le catabolisme des acides aminés, notamment de l’ammoniaque (toxique pour l’épithélium intestinal), du phénol, de l’indole ou des nitrosamines. C’est également ici qu’on retrouvera le plus de bactéries potentiellement pathogènes. On parle alors de flore de putréfaction.
Il y a donc une cohabitation constante entre deux flores dans l’intestin dont l’équilibre est assuré par notre organisme.
Tout d’abord de manière indirecte : lorsque l’alimentation est adaptée (fibres fermentables), les bactéries de la flore de fermentation prolifèrent, repoussant ainsi la flore de putréfaction.
Puis de manière directe : si l’alimentation fait proliférer la flore de putréfaction, qui se met donc à remonter, l’activité locale du système immunitaire augmente et l’organisme tente de faire diminuer le pH pour éviter le développement des mauvaises bactéries. Il peut également accélérer le transit dans le but de les éliminer.
C’est pourquoi une trop faible consommation de fibres peut provoquer aussi bien la constipation (phénomène mécanique) que la diarrhée (manque de bonnes bactéries).
L’utilisation d’antibiotiques illustre également cet équilibre de la flore intestinale : la plupart de ces médicaments ne vont pas avoir une action ciblée sur une bactérie mais sur un ensemble (qu’on appelle “spectre”). Ainsi, leur utilisation va détruire une partie de la flore de manière non sélective ce qui peut laisser parfois le champ libre à la prolifération de mauvaises bactéries. Cette classe de médicaments peut donc paradoxalement entraîner une infection. C’est dans ce sens qu’une supplémentation en probiotiques est recommandée pendant cette période.
L’intestin est d’une importance capitale pour la santé. On y comptabilise des millions de neurones, on y retrouve des neurotransmetteurs identiques à ceux produits par notre cerveau, et plus de ¾ des cellules immunitaires de notre organisme s’y concentrent (lymphocytes T et B, plasmocytes, macrophages).
La flore intestinale a elle seule semble jouer de nombreux rôles : le soutien du système immunitaire, le renforcement de l’intestin face aux agressions extérieures (allergies), la production de certaines vitamines (vitamines K et B8), l’assimilation correcte des nutriments et probablement une défense contre certaines pathologies et certains cancers.
Chez l’animal par exemple, la croissance dans un milieu stérile et en l’absence de bactéries intestinales diminue l’absorption des nutriments de plus de 30 %. C’est la différence qu’il y a entre 3000 et 3900 calories !
Les bactéries intestinales fermentent presque tous types de glucides, pas uniquement les fibres. Cette fermentation peut aider à digérer des aliments habituellement indigestes. Le lactose par exemple, habituellement hydrolysé par une enzyme appelée lactase, peut être fermenté en présence de bactéries lactiques. Cet effet est toutefois limité.
La majorité des bénéfices des fibres est attribué aux fibres solubles et aux fructanes, car comme nous l’avons expliqué, les fibres insolubles jouent surtout un rôle mécanique, facilitant le passage des matières et donc la régularité du transit.
De plus, le bénéfice des fibres insolubles est à modérer car leur présence est souvent associée à celle de facteurs anti-nutritionnels (c’est-à-dire qui diminuent l’assimilation de certains nutriments ou altèrent le métabolisme). Nous pouvons notamment citer l’acide phytique - présent dans l’enveloppe des céréales et des légumineuses qui peut se lier aux minéraux comme le fer ou le calcium, formant ainsi des complexes insolubles qui ne pourront plus être absorbés - ou les inhibiteurs de trypsine – présents dans certaines légumineuses comme le soja et qui empêchent l’assimilation des protéines.
Une bonne alternative pour les céréales consiste donc à se tourner vers les produits semi-complets, qui contiennent toujours des fibres, des nutriments mais moins de facteurs anti-nutritionnels.
De leur côté, les fibres solubles ont tendance à former un gel, dès leur arrivée dans l’estomac. Ce gel va jouer un rôle de film protecteur vis-à-vis des muqueuses, va permettre de ralentir le temps de passage des aliments dans l’estomac et va également permettre de réguler la production de certaines hormones gastro-intestinales (cholecystokinine, peptide YY, peptide glucagon-like 1) qui contrôlent l’appétit.
Ainsi, il a été mis en évidence que la consommation régulière d’une quantité suffisante de fibres diminuait naturellement la prise alimentaire, c’est-à-dire sans sensation de faim. Dans le cadre d’un régime cela se traduit par une perte de poids plus importante pour les personnes qui consomment beaucoup de fibres que pour les personnes qui en consomment peu.
L’intérêt est également métabolique : en ralentissant la vidange gastrique, la digestion des glucides sera plus lente, ce qui se traduit par une hausse de la glycémie moins marquée et plus prolongée. Les fibres solubles améliorent ainsi la sensibilité à l’insuline, élément important dans la prévention du diabète, du syndrome métabolique, de l’hypoglycémie, de la perte de poids et pour la santé en général.
Certaines de ces fibres ont la capacité de se lier aux acides biliaires, produits par notre foie à partir du cholestérol pour digérer les lipides alimentaires. Le complexe ainsi formé est éliminé par les voies naturelles ce qui oblige le foie à utiliser plus de cholestérol circulant pour fabriquer de nouveaux acides biliaires. Ce mécanisme est à l’origine d’une baisse du taux de cholestérol observé particulièrement avec la consommation de fibres comme le bêta-glucane (présent dans l’avoine ou l’orge), le psyllium ou le glucomannane (fibre du konjac).
En fermentant, les fibres peuvent produire des acides gras à chaînes courtes. Ces produits sont des acides relativement faibles, ainsi, lorsque leur concentration augmente, le pH du côlon diminue. Cette hausse de l’acidité augmente la solubilité de certains minéraux comme le calcium ou le magnésium, ce qui augmente leur biodisponibilité, c’est-à-dire leur assimilation. De même, il semble que les fibres fermentables n’entravent pas la digestion des lipides mais qu’au contraire, elles l’amélioreraient.
Par ailleurs, cette modification du pH peut diminuer la prolifération de bactéries pathogènes qui y sont sensibles comme Escherichia coli ou les Salmonella. C’est pourquoi les acides gras à chaînes courtes ont montré un intérêt dans le traitement des diarrhées infectieuses.
Ces acides gras, produits par la fermentation, sont principalement au nombre de trois : l’acide butyrique, l’acide propionique et l’acide acétique.
Bien avant la glutamine, ces acides gras sont la nourriture de choix des colonocytes (cellules épithéliales du côlon) qui jouent un rôle majeur dans l’intégrité de la barrière intestinale et son fonctionnement; en particulier le butyrate qui est utilisé à plus de 80 % par ces cellules.
Le propionate quant à lui est capté par le foie où il servira à fournir de l’énergie. Les fibres représentent donc une source d’énergie, donc de calories, contrairement aux idées reçues. Malgré tout, leurs bénéfices est incontestable, même en cas de régime très poussé, notamment parce que ces acides gras à chaîne courte vont permettre de conserver un taux de glucose sanguin (et donc d’insuline) plus bas, facilitant ainsi la perte de masse grasse. Cet avantage sur la gestion de la glycémie a été particulièrement constaté chez les diabétiques de type 1 ou 2 où il s’est également accompagné de changements positifs dans le profil des lipides sanguins (baisse des triglycérides).
L’acétate aura le même devenir mais une petite moitié passera directement en circulation dans le sang et aura un effet sur les muscles et le foie en augmentant le stockage du glycogène. C’est ainsi qu’il augmenterait la sensibilité à l’insuline et diminuerait les taux de glucose sanguins, autant chez les diabétiques que les personnes saines.
L’acide butyrique a également montré la capacité à diminuer significativement le risque de cancer du côlon, en stimulant la prolifération cellulaire et en contrôlant l’apoptose (mort programmée de la cellule). Il possède également une activité anti-inflammatoire importante notamment en stimulant la production de mucus et en inhibant un facteur de transcription très important, le facteur nucléaire Kappa-B dont le rôle dans le cancer et les pathologies inflammatoires en général est primordial. C’est ainsi que le déficit en acides gras à chaînes courtes a été impliqué dans de nombreuses maladies inflammatoires de l’intestin (colite ulcéreuse notamment).
D’une manière plus générale, une consommation suffisante de fibres fermentables a été associé à un risque plus faible de développer les maladies les plus connues de notre époque : les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension, le cancer. Mais il faut signaler que cet effet n’est pas uniquement provoqué par les fibres elles-mêmes mais aussi par les aliments qui les contiennent. En effet, une consommation élevée de fibres implique une consommation élevée de végétaux dont les bénéfices pour la santé sont par ailleurs largement démontrés.
Concernant les fructanes, leur fonction de prébiotique est très intéressante. Du fait de leur fermentation rapide et aisée, ils ont tendance à favoriser la prolifération de bactéries “bénéfiques” comme les lactobacilles et les bifidobactéries, au détriment des mauvaises. Bien que des réserves aient été émises quant à la prolifération de bactéries pathogènes, comme les colibacilles ou Klebsiella, par la fermentation de ces produits, à ce jour cet effet ne semble pas être observé en pratique chez l’homme.
Par rapport aux probiotiques, l’intérêt des prébiotiques/fibres est multiple : cela permet de modifier la flore intestinale en amont et de manière plus durable, il n’y a pas de nécessité à réfrigérer un produit ou à espérer qu’il ne soit pas détruit avant d’arriver dans l’intestin (la majorité des bactéries ne survivant pas à l’acidité de l’estomac), cela coûte moins cher et surtout cela permet de produire des acides gras à chaînes courtes ce que les bactéries seules ne peuvent faire.
Votre choix peut donc se porter sur les probiotiques ou les prébiotiques mais les prébiotiques sont déjà un atout certain.
Selon vos objectifs (notamment santé) et votre sensibilité intestinale, votre choix pourra se porter sur différents types de fibres. Par exemple les personnes constipées pourront privilégier les fibres insolubles, les personnes aux intestins fragiles privilégieront plutôt les fibres solubles.
Toutefois, un problème peut se poser : dans l’alimentation, les végétaux ne contiennent jamais uniquement un type de fibre. Il s’agit toujours d’un mélange des deux types, dans des proportions différentes.
Il existe une astuce : les fibres, comme tous les polysaccharides sont sensibles aux traitements. Ainsi, la cuisson, la préparation (hachage) vont les altérer. La cuisson va transformer certaines fibres insolubles en fibres solubles. C’est pourquoi les crudités sont plutôt préférées aux légumes cuits pour stimuler le transit.
Voici un petit tableau récapitulatif des principales fibres disponibles en tant que complément alimentaire et leur impact sur la production en acides gras à chaînes courtes :
Acétate | Propionate | Butyrate | |
---|---|---|---|
Bêta-Glucane | ++ | + | + |
Gomme Guar | ++ | ++ | + |
Inuline | +++ | + | +++ |
FOS | + | + | ++ |
Psyllium (Ispaghule) | +++ | ++ | ++++ |
Glucomannane (Konjac) | ++++ | +++ | + |
Pectine | +++ | ++ | ++ |
Il faut malgré tout noter que la fermentation peut être légèrement différente d’une personne à une autre car notre flore endogène n’est pas identique.
Les bêta-glucanes, une catégorie de fibres que l’on retrouve dans l’avoine et l’orge, se distinguent des autres car leurs propriétés ne se limitent pas à la fermentation. En effet, ils sont capables de passer dans la lymphe, exerçant ainsi une activité sur tout l’organisme, en particulier sur le système immunitaire en augmentant sa réponse face à une agression, mais sans entraîner une stimulation désordonnée.
Les fibres sont donc un atout pour notre capital santé mais aussi pour notre capital muscle. Car comment absorber nos calories si l’intestin est en mauvais état ?
N’oubliez pas que la source principale de fibres est votre alimentation. Les végétaux sont donc de mises.
Dans tous les cas, un apport de fibres d’origine alimentaire ou une supplémentation devra se faire de manière progressive pour habituer le système digestif et éviter certains désagréments. Il faudra également penser à bien s’hydrater : les fibres ayant la capacité à absorber l’eau, un manque de liquide pourrait paradoxalement vous constiper fortement ou même faciliter une déshydratation.
Pour la petite anecdote, vous saurez avec grand plaisir qu’environ 60 % de la masse sèche de vos selles est constituée… de bactéries.
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