Pour ceux qui ne connaissent pas Marc Vouillot (c’est un sacrilège), il s’agit du plus grand entraîneur de force athlétique que nous ayons eu à ce jour en France. Durant les années 80-90, tous les champions passaient entre ses mains ou presque.
Aujourd’hui, à 60 ans, il était temps pour nous de lui rendre hommage en lui donnant la parole sur de nombreux sujets qui nous intéressent.
Il a été également pour moi un déclencheur en “passant” le flambeau lorsque j’avais 17 ans et qu’il a été mon professeur alors que je passais le BEES (Brevet d’État d’Éducateur Sportif).
Si vous cherchez encore des secrets pour prendre de la force, après cette interview, ce ne sera plus le cas !
Je suis né le 5 juillet 1952 à Abidjan en Côte d’Ivoire et suis arrivé en France à l’âge de 11 ans.
J’ai commencé véritablement la musculation que l’on appelait culturisme à ce moment-la à l’âge de 14 ans par l’intermédiaire d’un ami qui habitait tout près de chez mes parents et que je trouvais plutôt bien bâti.
Ma première “initiation” aux muscles s’est fait en Afrique avec les films de Steeve Reeves, Reg Park et de quelques autres. C’était la grande époque des films d’Hercule. Donc je voyais des types incroyablement musclés et je me demandais ce qu’ils avaient fait pour en arriver là.
Au début, je me suis mis à faire de l’extenseur que ma tante m’avait acheté. Et je me suis rendu compte à 11 ans que le muscle, ça se travaillait.
Ma première séance de musculation avec barre et haltères s’est faîte à l’âge de 14 ans.
Au départ, c’était dans le cadre des autres sports que je pratiquais (le judo, l’athlétisme) et petit à petit je me suis rendu compte que je passais plus de temps en salle de musculation que sur les terrains de sport.
Sentir mon corps bouger comme ça, le sentir “gonfler”, sentir les muscles travailler, c’était ça qui me plaisait ; chose que je ne sentais pas avec les autres activités sportives. C’était une vraie découverte pour moi.
Ça m’a tout de suite plu, la première préhension de barre, ça s’est transmis à moi, il y a eu un déclic.
Parallèlement, j’ai continué à faire du judo de 7 ans à 20 ans tout en pratiquant l’haltérophilie et l’athlétisme (lancers). J’ai arrêté le judo avec un niveau inter-régional, ceinture noire première dan.
Ce cumul d’activités pendant quelques années a rendu difficile mon accession au haut niveau. Finalement la Force s’est imposée naturellement.
J’ai fait de la compétition haltérophile en Cadet et Junior. Il y avait à l’époque 3 mouvements dont le développé militaire qui a ensuite été supprimé car cela devenait n’importe quoi, à celui qui cambrait le plus et totalement injugeable.
À 16 ans, au poids de 69 kg, j’ai réalisé 80 kg au développé militaire, 87,5 kg à l’arraché, 112,5 kg à l’épaulé jeté, 130 kg au squat clavicules et 155 kg au squat nuque.
J’adorais également le judo, j’ai donc continué et voulu passer le Professorat. Pendant la formation, un des formateurs nous a parlé du Brevet d’État de Culture Physique et comme j’étais également branché musculation, je me suis dit : pourquoi pas ?
Finalement, je me suis arrêté au Monitorat de judo et j’ai passé le Brevet d’État de Culture Physique.
Après l’Haltérophilie, je me suis orienté vers le Culturisme mais comme j’avais de grosses envies de pousser lourd, j’ai opté pour le Powerlifting !
J’ai fait quelques compétitions de Culturisme (et j’y suis revenu après), Monsieur Métropole (organisé par Serge Nubret), Monsieur Paris, des concours en Bretagne, dans le Languedoc…
Vers 21-22 ans, j’ai commencé à exercer en salle. Je ne faisais pas que m’occuper de la musculation, je donnais également des cours collectifs car c’est ce qui fait malheureusement vivre les salles.
Je n’ai fait ma première compétition de Force Athlétique qu’à l’âge de 26 ans en 1979. Je m’entraînais au gymnase Riquet à Paris (75) ou j’ai progressé sous les conseils avisés de Bernard Geymond, ancien compétiteur et ami.
Je pesais 80 kg, et ne savais pas en quelle catégorie je voulais tirer alors je me suis laisser du temps. Je voulais faire les plus grosses barres possibles et aller chercher le champion des lourds qui était Ymga en moins de 110 kg. Je voulais dépasser son total et j’ai donc commencé à grossir.
En deux ans, je suis passé de 80 kg à 110 kg, je voulais voir jusqu’où je pouvais aller et c’est une expérience que je ne regrette absolument pas. J’ai gagné mon premier Championnat de France en moins de 110 kg en 1981. Je suis de passé de 210 kg au squat à 290 kg !
J’ai également participé à une compétition en moins de 125 kg en buvant une bouteille d’eau avant la pesée pour un match France-Suisse-Angleterre afin de ramener plus de points dans la catégorie supérieure. L’équipe de France a terminé deuxième de cette rencontre.
290 kg au squat
192,5 kg au développé couché
295 kg au soulevé de terre
180 kg à l’épaulé-jeté.
272,5 kg au squat
185 kg au développé couché
290 kg au soulevé de terre
260 kg au squat
165 kg au développé couché
280 kg au soulevé de terre
(sans matériel, pas même une ceinture)
Champion de France en 1981 et 1982
Vice Champion de France en 1983
3ème au Championnat de France 1985
2ème au Championnat de France 1987
2ème au Championnat de France 1990
Champion de France vétéran 1 en 1993
5ème à Monsieur Métropole en 1977
Monsieur Paris vétéran 1 en 1993
6ème France en 1996
À la base, je ne voulais pas spécialement être entraîneur, j’étais athlète puis le club de Viry-Châtillon (91) m’a demandé de l’aider. Ils voulaient étoffer leur club et cherchaient des gens susceptibles de venir tirer pour eux. Ils sont venus me chercher en tant qu’athlète au départ.
Puis de fil en aiguille, je me suis intéressé à la prise en charge d’athlètes et le club m’a laissé l’opportunité de monter une équipe et de l’entraîner à ma façon.
Cette double casquette a fait que j’ai commencé à décliner petit à petit mais je ne le regrette pas.
J’ai participé à de nombreux séminaires aux États-Unis afin de me former auprès des meilleurs. Je suis allé voir Fred Hatfield, Ed Coan, Bill Kazmaier, Mike Hall afin d’emmagasiner un maximum d’informations.
Cela faisait déjà plusieurs années que j’entraînais et que j’avais passé mon diplôme mais j’étais toujours en quête de connaissances, comme toujours.
J’ai eu l’opportunité lors de mes nombreux déplacements aux États-Unis de faire une séance de squat avec Tom Platz. J’avais vu un mec arriver avec des chaussures de squat et je me suis dit : “Enfin un mec qui pousse”, je lève les yeux et c’était Tom. Alors on a fait une partie de séance ensemble, vraisemblablement ma plus grosse séance de squat en terme de volume de travail. Je l’ai laissé finir seul, il était incroyable !
J’ai également pas mal côtoyé Mike Mentzer, l’inventeur du Heavy Duty, qui est devenu un très bon ami.
J’ai été à un séminaire d’Arthur Jones, le fondateur du HIT et des machines Nautilus et c’est la que ça a confirmé ce que je pensais, il avait tout résumé en une phrase à la fin : “Plus on est fort, moins on doit s’entraîner”.
Plus on met lourd, et plus la récupération devient une problématique majeure. Les capacités de récupération ne s’améliorent pas autant que la force.
À partir de là, tout était dit !
Au début des années 1980, le club de Viry-Châtillon (91) m’a donc proposé le poste d’entraîneur. Et ça a été une très grande période. On est arrivé à classer plus de 30 compétiteurs au niveau France et International, dont Joseph Ponnier, Lucien De Faria, Max Lozon , Miguel Marie Sainte, Frédéric Mompo, Frédéric Delavier, Nicole Vouillot, Sara Robertson, Claire Gérard et bien d’autres.
Nous avons été le meilleur Club de France de 1984 à pratiquement 1995. C’était une sacrée ambiance avec le squat tous les lundis. Imagines 30 compétiteurs prêt à faire leur squat, préparant la même compétition, la stimulation était maximale, on était obligé de progresser.
L’émulation créé par le groupe élevait le niveau de tous, c’était un vrai Club comme il n’en existe malheureusement plus aujourd’hui.
Ceux qui n’avaient pas un gros niveau avaient leur planification pour participer aux compétitions sélectives, et la motivation aidant, certains arrivaient à nous rejoindre dans le groupe France. Cela ne les empêchait pas de nous accompagner aux compétitions, de nous donner un coup de main, c’était une saine camaraderie.
J’ai réussi à faire d’un sport individuel, un sport collectif, de groupe. On était une vraie famille ! Et c’est ce qui a fait que cela a duré aussi longtemps. C’est dire toute l’expérience que j’ai pu accumuler durant cette période.
J’en suis arrivé à une conclusion très simple, lorsque l’on fait de la Force Athlétique, la bonne moyenne est de s’entraîner 3 fois par semaine et pour certains d’envisager les 3 séances sur deux semaines. J’ai connu trop d’athlètes qui n’avaient pas saisis la réalité de l’entraînement lourd, et qui en faisaient trop, beaucoup trop, jusqu’au surentraînement.
J’ai vu des champions qui auraient pu être encore bien meilleurs, s’ils en avaient fait moins et mieux planifié leurs entraînements. Je me souviens de Jean Louis Scoazec, l’un des plus gros potentiels que j’ai jamais rencontré ! Mais il était acharné, à toujours vouloir en faire plus. C’était son défouloir.
L’entraînement de Force ne se fait pas sur une multitude de mouvements, il faut être fort sur trois mouvements les autres exercices ne sont que des exercices d’assistance.
La plupart des pratiquants s’entraînent n’importe comment, sans logique et beaucoup trop. Le résultat ne peut et ne doit pas être le fruit du hasard. Un entraînement de force se planifie à rebours par rapport aux objectifs de la saison.
Au début de celle-ci, on choisit les compétitions importantes et on fixe ses objectifs, on calcule ses pourcentages et on adapte petit à petit au fil des semaines. Il doit y avoir une base sur laquelle s’appuyer. La planification ne doit pas être perçue comme un dogme mais comme une réalité mobile, modifiable à tout instant, lorsque le besoin s’en fait sentir.
La réussite ne peut pas être un coup de chance, tout doit être écrit, noté, il faut planifier sa réussite.
L’échec n’est pas exclu lors d’une préparation mais il faut rapidement trouver la solution. Pour ne pas entretenir l’échec. L’erreur fait partie du jeu et peut arriver à tout le monde mais il est important de la minimiser et de ne pas l’entretenir. La dynamique de “progression” chaque semaine est très importante, primordiale. La réussite entraîne la réussite, l’échec entraîne l’échec !
Après, le plus difficile c’est de durer car un champion ne se construit pas en un an ou deux. Il faut plusieurs années pour se mettre des charges de plus en plus lourdes sur le dos et les supporter (si notre génétique nous le permet). C’est sur la longévité que se fait la différence.
Légende : 4×8-12 => 4 séries de 8 à 12 répétitions.