Dans la majorité des sports, la détente musculaire est une qualité essentielle qui détermine en grande partie la capacité d’un athlète à courir vite, sauter haut, lancer loin et frapper fort. À cet égard, dans le domaine de la préparation physique, l’entraînement en pliométrie est souvent considéré comme une passerelle entre le travail traditionnel de musculation et la performance athlétique. De manière très simplifiée, on peut dire que la pliométrie aide à transformer la force maximale en explosivité, en puissance et en vitesse.
Cette méthode d’entraînement vise à améliorer l’efficacité du cycle étirement-raccourcissement du muscle et ne consiste pas uniquement à enchaîner des séries de sauts ou de pompes claquées comme on le voit souvent. C’est avant tout un travail de qualité dont l’objectif est d’apprendre à produire des mouvements explosifs et puissants en maximisant et en intégrant la contribution motrice des composants contractiles, des composants élastiques et des phénomènes réflexes du système neuromusculaire. Pour utiliser de manière efficace ce type de travail, il est important de comprendre les mécanismes en jeu et les objectifs recherchés selon les cycles de travail, les modalités d’entraînement et les exercices.
De nombreuses méthodes de remise en forme utilisent le terme “pliométrique” de manière abusive, car dans leurs séances les sauts servent surtout à élever le rythme cardiaque et à induire un essoufflement important dans une logique de perte de poids.
À court terme, ces méthodes peuvent améliorer les performances en saut d’un débutant inexpérimenté ou d’un pratiquant en surpoids, cependant les progrès seront limités dans le temps, car ce type de stratégies ne travaille qu’une partie des facteurs régissant la détente musculaire. Le développement des qualités pliométriques est un processus complexe qui nécessite de travailler aussi bien la force maximale, la force de démarrage, la force explosive, que d’améliorer les facteurs élastiques et réflexes du muscle et les qualités de coordination.
Les facteurs régissant la détente musculaire, adapté d’après Hélal (1983)
En sciences physiques, la loi de conservation de la quantité de mouvement définit qu’à chaque fois que survient une collision entre deux corps, la quantité de mouvement totale est conservée, ainsi que l’énergie totale qui peut cependant prendre plusieurs formes. Dans le cas d’une collision inélastique, une partie de l’énergie cinétique se transforme en chaleur ou en travail de déformation. Dans le cas d’une collision élastique, l’énergie cinétique est restituée totalement sous forme d’un mouvement.
Notre propulsion dépend non seulement de notre capacité à générer de la force avec nos muscles, mais également de la manière dont nous gérons nos appuis qui sont en fait une succession de collisions avec la surface sur laquelle nous évoluons. Plus nous allons vite et la plus surface est compacte, plus notre de force de propulsion sera importante, à condition que notre système musculo-tendineux soit capable d’absorber la force d’impact et de la restituer tel un élastique.
De manière instinctive, n’importe quel athlète sait qu’il est plus facile de courir sur de l’asphalte que sur du sable qui se dérobe sous les pieds, et que la prise d’élan permet de sauter plus haut et plus loin. Forts de cette observation, les entraîneurs d’athlétisme en URSS ont commencé dans la deuxième partie du vingtième siècle à développer des protocoles d’entraînements visant à améliorer l’utilisation des forces d’impact. C’est ainsi que la pliométrie est née et par la suite on s’est aperçu que cette qualité se retrouve dans la majorité des gestes sportifs : du joueur de rugby qui effectue un cadrage-débordement au skieur qui rebondit dans un champ de bosses, en passant par le judoka qui amorce une projection ou le joueur de tennis qui arme son bras au service.
La pliométrie peut se définir comme la faculté de rebondir ou d’utiliser les actions d’étirement du muscle pour produire des contractions musculaires puissantes. Lors de l’impact, le système musculo-tendineux de l’athlète va subir une déformation sous l’action de la force de réaction du sol et qui, si elle est correctement maîtrisée, va permettre d’acculumer de l’énergie au niveau des composantes élastiques du muscle, qui sont disposées soit en série (sarcomères et tendons), soit en parallèle (fascias musculaires). Lors de la contraction concentrique, cette énergie élastique sera restituée augmentant le niveau total de force.
Structures tissulaires de la composante élastique, d’après Goubel et Lensel-Corbeil (2003)
Bien que ce soit au travers de l’action de sauter et d’enchaîner les sauts que l’effet pliométrique a été le plus souvent illustré par les chercheurs en sciences du sport, le bénéfice de la pliométrie peut également être constaté en musculation. Par exemple, au développé couché ou au squat, en effectuant une pause de 1 ou 2 secondes à la fin de la descente de la barre (phase excentrique), la remontée est généralement plus difficile que si la poussée avait été immédiatement enclenchée.
Différence de hauteur de saut entre le squat jump et les sauts avec impulsion pour des joueurs de sports collectifs (étudiants en STAPS), d’après Cometti (2007)
La pliométrie est en quelque sorte l’expression de notre capacité à rebondir tel un ballon à la différence près que nous ne sommes pas une masse inerte ou uniforme. Voyons plus en détail quels sont les facteurs clés de ce type d’action.
La phase d’amortisation correspond au cycle d’étirement-raccourcissement ou à la durée entre l’impact avec le sol et le moment où l’athlète rebondit. Cette notion est cruciale en pliométrie, car si celle-ci dépasse 200 millisecondes, l’énergie élastique accumulée au niveau des composantes élastiques du muscle lors de la phase excentrique se dissipera sous forme de chaleur et ne pourra donc pas être restituée lors de la phase concentrique.
Un des objectifs du travail en pliométrie est de diminuer la durée de la phase d’amortisation, ce qui non seulement permet augmenter la production de force, mais aussi le temps de contact de l’athlète avec le sol. Sachant qu’au niveau international un 100 mètres se court environ en 45 foulées et un marathon en 25 000, réduire le temps de contact au sol de 1 milliseconde à chaque appui permet de gagner en théorie respectivement 45 centièmes et 4 minutes au chronomètre. Cela peut paraître peu pour certains, mais lors d’une finale olympique, ce type d’écart est considérable.
Durée moyenne des phases d’amortisation pour différentes actions musculaires
Pour résumer, une contraction pliométrique se caractérise donc par l’enchaînement de trois phases de contraction musculaire, réalisées dans un laps de temps le plus court possible :
La capacité à générer et à utiliser de l’énergie élastique dépend en premier lieu des qualités viscoélastiques des éléments contractiles et des tissus conjonctifs des muscles moteurs du mouvement. En d’autres termes, cela s’exprime par la faculté des sarcomères, des fascias et des tendons à s’étirer et à se raccourcir à la manière d’une bande élastique.
Les muscles possèdent au niveau de leurs fibres des fuseaux neuromusculaires qui réagissent aux changements de longueur du muscle et surtout à la vitesse à laquelle ces changements se produisent. Lorsque ceux-ci enregistrent un étirement rapide et intense, ils déclenchent un mécanisme de protection, le réflexe myotatique, qui se traduit par une contraction réflexe violente des muscles étirés. C’est le réflexe que l’on observe quand le médecin tape sur notre tendon rotulien avec un marteau en caoutchouc et qu’en réponse notre genou se fléchit tout seul.
La force générée par les muscles est transmise aux segments osseux par l’intermédiaire des tendons dans lequel se trouvent les organes tendineux de Golgi et dont le rôle est d’informer le système nerveux de l’état de la contraction musculaire, ainsi que son évolution au cours du temps. Si la tension au niveau des tendons augmente de manière importante et rapide, les organes tendineux de Golgi déclenchent un autre système de protection, le réflexe myotatique inverse, qui envoie un signal nerveux d’inhibition aux muscles agonistes provoquant leur relâchement et leur allongement. Dans certains cas, les organes tendineux de Golgi peuvent aussi envoyer en parallèle un signal d’activation aux muscles antagonistes afin de freiner le mouvement. Cette action est néfaste à la détente musculaire, car elle limite le niveau de force produite et dans certains cas elle peut poser un risque de blessure quand les ratios de force entre les muscles agonistes et antagonistes ne sont pas optimisés.
Le réflexe myotatique inverse s’observe parfois lors de tentatives de 1RM au squat ou au développé couché quand l’athlète s’écroule littéralement sous la barre après avoir amorcé une violente poussée de remontée ou chez les sauteurs en longueur et en hauteur qui oublient de sauter au moment de la prise d’appel. Dans les compétitions internationales, les forces enregistrées au niveau du tendon d’Achille des sauteurs peuvent représenter jusqu’à 8 fois leur poids de corps.
Les fuseaux neuromusculaires et les organes tendineux de Golgi sont des récepteurs mécaniques du système nerveux proprioceptif et agissent, entre autres, comme des fusibles dont l’objectif est de protéger les tissus musculaires et osseux contres des étirements et des tensions qui pourraient mettre en danger l’intégrité du système musculo-tendineux. Pour courir plus vite, sauter plus loin ou frapper plus fort, il est donc nécessaire de désensibiliser ces fusibles à l’aide d’un entraînement approprié.
D’un point de vue général, l’objectif d’un travail en pliométrie est de :
Amélioration par le travail de pliométrie des qualités réactives du système musculo-tendineux.
Afin de stimuler le système pliométrique correctement, l’intensité de la phase d’étirement doit être suffisamment brève et rapide. Une phase d’étirement trop longue ou trop intense risque de voir l’énergie élastique se dissiper ou de déclencher une réponse des organes tendineux de Golgi (réflexe myotatique inverse). L’entraînement ayant rarement lieu dans un laboratoire ou en présence d’outils électroniques de mesure, les critères de réussite sont dans la quasi-totalité des cas à apprécier visuellement :
Voici une illustration à quoi doit ressembler “visuellement” un travail de pliométrie efficace :
La plupart des exercices présentés dans la vidéo ci-dessus sont des exercices de niveau expert et cela prend des années à développer une telle qualité pliométrique. Même si la majorité d’entre nous n’est pas mesure de réaliser ces exercices correctement, de nombreux entraîneurs et athlètes font l’erreur de choisir des mouvements trop difficiles d’un point de vue technique ou trop intense avec des hauteurs de sauts inappropriées. Il se peut que l’athlète réussisse plus ou moins à réaliser les mouvements demandés, mais si les trois critères visuels ne sont pas remplis, il y a peu de chance que le système pliométrique ait été correctement stimulé, et qu’une adaptation positive se produise à long terme.
Dans la première des deux vidéos suivantes, on observe que le haut du corps de l’athlète n’est pas gainé et qu’avec la hauteur des haies augmentant, il est de plus en plus désarticulé. Les deux dernières haies sont clairement trop hautes et n’apportent rien d’un point de vue de l’entraînement du système pliométrique. Il aurait suffi de rapprocher les haies et de les garder à une hauteur de 30 cm pour que l’athlète puisse se concentrer à rebondir et non à pousser des jambes pour sauter coûte que coûte par dessus l’obstacle.
Dans la deuxième vidéo, les genoux de l’athlète démontrant les sauts en contrebas (depth jumps) ne sont pas stables au moment de l’impact au sol (genu valgum). Du coup, l’énergie élastique ne peut pas être pleinement utilisée lors du rebond. Au-delà des considérations techniques, diminuer la hauteur de chute aurait été judicieux.
La pliométrie est avant tout un travail de sensations lors duquel l’athlète doit en premier lieu chercher le rebond et la vitesse d’exécution.
Lors d’un travail en pliométrie, seules les qualités élastiques et nerveuses (influx nerveux et réflexes) des muscles sollicités s’améliorent et non les autres. Pour faire simple, seuls les musclent travaillés apprennent à terme à se contracter plus rapidement et plus fort. Par conséquent, comme pour de nombreuses qualités motrices, le travail en pliométrie se doit d’être spécifique en fonction des objectifs visés en respectant la notion de plan de réalisation des mouvements. Par exemple, même si des degrés de transfert existent entre les aptitudes motrices, il vaut mieux pour améliorer la force de saut vertical s’entraîner à sauter par-dessus des haies de plus en plus hautes, et pour améliorer la force de saut horizontal chercher à sauter par-dessus des obstacles de plus en plus longs.
Le tableau ci-dessous classe quelques exercices visant le développement de la détente verticale en fonction de leurs niveaux d’intensité et de difficulté. Loin d’être exhaustive, cette liste est à adapter selon les athlètes, ainsi que le volume de la charge de travail qui n’est donné ici qu’à titre indicatif.
En effet, en pliométrie, il vaut mieux en faire moins que trop ; la qualité du travail doit être évaluée à partir des critères visuels de réalisation, évoqués précédemment (technique, équilibre, temps de contact au sol, réactivité). Compte tenu de la nature alactique des mouvements pliométriques et de la forte contribution neurologique, il est recommandé de mettre en place des temps de repos entre les séries favorisant une récupération complète.
Par mesure de sécurité, de nombreux auteurs préconisent un travail de force en musculation avec des charges avant de commencer la pliométrie intense et maximale. Par exemple, l’association américaine de préparation physique (NSCA) conseille d’être capable de soulever 1,5 son poids de corps en squat avant d’intégrer des sauts en contrebas (depth jump) dans son entraînement. Ceci dit, on trouve régulièrement des athlètes de parkour ou d’arts martiaux, n’ayant jamais soulevé de charges lourdes, capables de réaliser des mouvements avancés de pliométrie
Comme pour tout type d’entraînement, il est important de mettre en place une augmentation progressive de l’intensité et de la complexité de l’entraînement. D’ailleurs, Jean-Pierre Egger, ancien recordman du monde au lancer au poids et entraîneur du triple champion du monde Werner Gunthor, place le développement des qualités pliométriques à la fin de sa planification du développement de la force spécifique de lancer.
Tudor Bompa estime que les jeunes athlètes et les débutants devraient consacrer 2 à 4 années de leur développement athlétique au travail de la force générale et aux exercices de pliométrie d’intensité faible et modérée, afin de renforcer leurs ligaments, tendons et ossature, avant de passer à des exercices plus intenses.
Dans une recherche d’efficacité, l’entraînement doit chercher à atténuer les points faibles tout en cherchant à développer les qualités spécifiques de l’athlète. Pour évaluer la contribution des différents systèmes neuromusculaires à la performance au saut, Bosco a mis au point les tests suivants :
Pour évaluer uniquement la force de poussée des membres inférieurs, il est possible d’inhiber l’action des bras en plaçant les mains sur les hanches. Cependant, ce n’est pas une façon naturelle de sauter. En fonction des résultats obtenus, on peut déterminer quel système musculaire est à travailler en priorité. Le même type de test peut être réalisé pour chaque jambe ou pour évaluer les membres supérieurs en démarrant en position de pompes : push jump, countermovement push jump, depth push-up.
Ceci-étant, de nombreux athlètes qui s’entraînent en musculation de manière traditionnelle présentent des faiblesses au niveau des chevilles, ne savent pas pleinement utiliser leurs extenseurs de hanche pour sauter ou courir, ou présente un mauvais équilibre dynamique. Très souvent, ces faiblesses sont masquées par le fait qu’ils sont relativement forts aux mouvements de bases et qu’ils arrivent malgré tout à réaliser des performances plus qu’honorables. Parfois, pour ce type d’athlètes, un simple travail de corde à sauter avec un travail technique de saut ou de course permet d’obtenir d’excellents résultats.
Voici un programme d’entraînement sur 12 semaines pour un athlète intermédiaire. Il s’inspire d’un programme que j’avais suivi au printemps 2003 en préparation de ma saison en première division anglaise de rugby universitaire et le principal objectif était d’améliorer ma détente verticale.
A l’époque, ma détente verticale (test Sargent) est passée de 61 à 76 cm et mon temps électronique au 30m départ arrêté est passé de 4,25 à 3,95 secondes. Ma performance au 1RM squat est passée de 150 à 185 kg et de 110 à 125 kg au développé couché, le tout pour un poids de corps de 85-87 kg.
Pour progresser en pliométrie, il est important de :
Le développement de la détente verticale est un travail de longue haleine comme celui du développement de la force. La qualité du travail doit primer sur la quantité.
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