J'espère ne pas avoir écrit trop de bêtise...
Relation force / masse
Est-ce qu'un muscle fort est nécessairement un muscle gros et est-ce qu'un muscle gros est nécessairement un muscle fort ?
Premièrement, il faudrait définir ce que l'on entend par force. Considérons que ce soit pour un exercice donné la charge maximale qu'il soit possible de soulever avec une forme d'exécution correcte : le 1 RM.
Pour répondre simplement, la force est corréléeà la masse musculaire, mais de façon non linéaire, c'est à dire que l'on peut dans une certaine limite, augmenter l'une et pas l'autre, et vice-versa.
On peut distinguer deux types d'hypertrophie musculaire : l'hypertrophie sarcoplasmique et l'hypertrophie des sarcomères. Dans le premier cas, le volume musculaire augmente car les réserves énergétiques du muscle augmentent. Ce type d'hypertrophie contribue peu à l'augmentation de la force, mais permet d'améliorer sa résistance. Dans le second cas, le volume musculaire augmente par l'épaississement des myofibrilles. Ce type d'hypertrophie contribue à l'augmentation de la force, mais peu à l'augmentation de la résistance.
Comme il a été suggéré sur les Forums , si on faisait une comparaison avec une voiture, disons que l'hypertrophie sarcoplasmique correspondrait à une augmentation du réservoir d'essence et de l'essence, et l'hypertrophie des sarcomères à un plus gros moteur. On comprend bien que dans un cas, on peut faire rouler la voiture plus longtemps, et dans l'autre plus rapidement.
Ceci seul permet d'expliquer pourquoi certaines personnes sont plus musclées que d'autres, mais démontrent moins de force : certains ont fait grossir leur muscle de façon plus ou moins importante avec une augmentation des réserves énergétiques plutôt qu'une hypertrophie des sarcomères.
Mais en fait, de nombreux autres facteurs doivent être considérés :
Par exemple, les leviers mis en jeu peuvent être plus ou moins favorables selon les exercices. Un individu avec des membres longs et un petit torse aura des facilités « mécaniques » au soulevé de terre, mais par contre aura des difficultés au squat. Quelqu'un avec des bras courts aura des facilités pour les flexions et extensions des bras. Si on conserve l'analogie de la voiture, disons que ce serait les même différence qu'entre une F1 et un 4*4… :-) On comprends bien que sur certains terrains, l'un est plus adapté que l'autre, quelque soit le nombre de chevaux sous le capot.
Un autre facteur est le niveau de coordination inter-musculaire selon l'exercice, c'est à dire, est-ce que les masses musculaires mises en jeu le sont au bon moment, et est-ce que les muscles antagonistes n'entravent pas le mouvement à un moment quelconque de celui-ci par une contraction involontaire inopportune. Souvent, les débutants contractent tous leurs muscles pour n'importe quel exercice, car il ne maîtrise pas encore bien ceux-ci. En quelques semaines, ils démontrent très vite de la force ne serait-ce que parce qu'ils ont « appris » à contracter les bons muscles au bon moment dans l'effort. Avec l'analogie de la voiture, on pourrait penser à l'apprenti qui montent à 60 km/h en deuxième vitesse et épuise le moteur pour rien. :-)
Un autre facteur est l'efficacité neuro-musculaire ou innervation intra-musculaire : combien de fibres musculaires êtes-vous capable de mobiliser dans un effort maximal ? Certaines personnes ont peu de muscles, mais elles peuvent mobiliser 70% de leurs fibres dans un effort maximal voulu quand un autre n'en mobilisera que 60%. C'est le solde, cette marge, cette réserve qui fait que dans certaines conditions particulières (hypnose, ou quand une vie est mis en jeu par exemple), des personnes sont capables de soulever des charges qu'elles ne pourraient pas en temps normal (une femme pour sauver son enfant par exemple). Sur une voiture (je sais que vous attendez tous l'analogie avec impatience ! ;-), cela correspondait à un moteur plus ou moins bridé.
La vitesse de mobilisation de ces fibres est encore une donnée importante : plus vous mobilisez un nombre important de fibres rapidement, plus vous pourrez donner de l'élan à la charge, de sorte que celui-ci vous « aide » en milieu et fin de mouvement. Avec la voiture, l'analogie serait le nombre de secondes pour atteindre les 100 km/h départ arrêté. :-)
L'insertions des tendons musculaires jouent aussi, selon que ceux-ci sont attachés plus ou moins près de l'articulation. Plus l'attache tendineuse est éloignée de l'articulation, plus l'action du muscle est efficace. Celle-là avec la voiture n'est pas évidente :-), disons que ce serait le niveau de gonflage des pneus. On comprends bien que même si vous avez un moteur de 100 chevaux, vous n'arriverez pas à pousser la vitesse avec des pneus dégonflés. Avec le biceps, c'est pareil : vous pouvez avoir des biceps énormes, si l'insertion du tendon du biceps à votre avant-bras est très proche de l'articulation, vous n'arriverez par à démontrer énormément de force dans tous les mouvements de flexion du bras !
Bref, ces facteurs sont nombreux, ce qui expliquent qu'essayer de comparer deux individus entre eux au niveau de la masse musculaire et de la force n'a pas de sens. Alors qu'il peuvent visuellement « démontrer » la même force (c'est à dire lever la même charge), au niveau du travail musculaire « réel », cela diffère forcément.
Néanmoins, si on compare les pratiquants d'élites d'haltérophilie ou de power-lifting, qui à un niveau mondial on probablement toutes les qualités morphologiques et génétiques pour lever de gros poids, et une innervation intra-musculaire au taquet, on constate bien que les plus gros et plus musclés sont les plus forts.
IMPORTANT : ne pas prendre les chiffres suivant au pied de la lettre, ajouter mentalement « (environ) » après chaque nombre donné… En pratique, d'une façon générale vous prendrez de la force et de la masse musculaire en effectuant des séries de 1 à 20 répétitions, soit en travaillant avec des charges correspondant à 100% à 60% de votre 1 RM ou encore avec des efforts durant entre quelques secondes et deux minutes (travail en fin d'anaérobie lactique, début de travail en aérobie). Plus vous montez haut dans les répétitions, moins vous développerez votre force maximale (1 RM) et plus vous stimulerez l'hypertrophie sarcoplasmique. Plus vous descendez bas dans les répétitions, plus vous développerez votre force maximale. En-dessous de 3 reps, soit avec des charges de 100% à 90% de votre 1RM, ou encore en-dessous de 15 secondes d'effort (travail en anaérobie alactique), les adaptations sont surtout nerveuses, autour de 6-8 reps soit 85-80% de votre 1 RM, vous stimulez au maximum l'hypertrophie des sarcomères.
Les grossiers indicateurs ci-dessous doivent être mis en parallèle avec le volume d'entraînement, ainsi si vous faîtes 50 séries de 6 reps pour un même groupe musculaire, on se rapproche plus d'un travail en endurance que d'un travail de résistance ou de force. A l'inverse, tenter des maxis à chaque séance n'est pas toujours productif pour gagner de la force, car le volume d'entraînement (tonnage) est insuffisant.
De même, attention, faire ses répétitions volontairement lentes, utiliser la technique de rest-pause pour atteindre 20 répétitions au cours d'une série de squat ou encore prendre volontairement léger sur certaines séances (pour travailler sa force explosive par exemple) change la donne ! Une fois encore, les chiffres donnés plus haut sont de grossiers guides, rien de plus.
Néanmoins, pour avoir une idée de la « qualité » d'une séance, vous pouvez calculer la moyenne du pourcentage de votre 1 RM des charges utilisées en cours de séance, par exemple :
Vous avez un maxi à 100 kg au développé couché : au cours d'une séance, vous faîtes 10 reps à 70 kg, 8 reps à 75 kg, 6 à 80 kg et 3 à 85 kg. Le tonnage de la séance est donc 10*70+8*75+6*80+3*85 = 2035 kg. Au niveau du pourcentage moyen de charge de travail, vous avez (10*70%+8*75%+6*80%+3*85%)/(10+8+6+3) = 75,4%.
La même séance avec un maxi à 200 kg, donne toujours 2035 kg de tonnage, mais au niveau du pourcentage moyen de charge de travail : (10*35%+8*37,5%+6*40%+3*42,5%)/(10+8+6+3) = 37,7%.
Avec un maxi à 100 kg et un 5*12 avec 65% de votre 1RM, vous avez un tonnage de 3900 kg et un pourcentage moyen de charge de travail à 65%.
Avec un maxi à 100kg et un classique 5 séries de 5 répétitions à 80% de votre 1RM, vous avez un tonnage de 5*5*80 = 2000 kg, mais un pourcentage moyen de charge de travail à 80%.
Avec un maxi à 100 kg et un classique 6 séries de 3 reps à 85% de votre 1RM, vous avez un tonnage de 6*3*85= 1530 kg, et un pourcentage moyen de charge de travail à 85%.
Enfin, mettons que vous fassiez 50 séries de 6 reps avec 50% de votre 1RM, vous avez un tonnage de 15000 kg, mais un pourcentage moyen de charge de travail à 50% seulement.
Evidemment, pour ne pas fausser trop les calculs, vous ne devez pas inclure les séries d'échauffement.
N'oubliez pas non plus que votre maxi évolue avec les entraînements : 85% de votre 1RM de janvier n'est pas le même poids qu'avec votre 1RM du mois de mars. Et comme vous n'allez pas tenter de maxi à chaque séance pour évaluer votre 1RM, vous devez anticiper la hausse de celui-ci.
Dernier point : l'expérience montre qu'en cas d'arrêt de l'entraînement, ce qui part le plus vite sont les réserves énergétiques et la rétention d'eau, donc l'hypertrophie « sarcoplasmique ». Le muscle construit à coup de séries lourdes (essentiellement grâce à une hypertrophie des sarcomères) « tient » plus longtemps.
Pour une augmentation de votre masse musculaire durable et fonctionnelle, vous avez donc tout intérêt à travailler toujours plus lourd avec des séries moyennes (6-10 reps) et un tonnage/volume d'entraînement modéré. Méfiez-vous comme la peste de copier les utilisateurs de stéroïdes ou les culturistes chevronnés qui s'entraînent en série légère en cherchant la congestion du muscle. Dans un cas les stéroïdes faussent la donne en favorisant la rétention d'eau et la synthèse protéinique, dans l'autre bien souvent le pratiquant a construit sa masse musculaire avec des séries lourdes et se contente d'affiner, maintenir son physique par des séries légères.
Un bon plan d'entraînement doit donc vous faire progresser à chaque séance. Si ce n'est pas le cas, vous avez perdu votre temps au gymnase, car vous n'avez pas gagné de muscles : comme certains membres de la salle qui ont changé plus souvent de femmes au cours de leur dix années d'entraînement que de charges au squat et développé couché - Evidemment leur physique est resté le même toutes ces années (sic Brooks Kubik pour la blague ! ;-). Bien sûr quand vous commencer un cycle, votre progression est seulement relative, c'est à dire que vos charges augmentent de séance en séance, mais sont inférieures à vos meilleures charges : c'est normal, un des intérêts d'un cycle étant de créer un élan physiologique et psychologique en commençant facilement.