Internet : comment trier les informations et lire les études scientifiques ?

par **Laurent Buhler** le 29/01/2011 18h22

Que l'on fasse de la musculation ou que l'on cherche simplement à prendre sa santé en charge, on est assailli sur Internet (mais également en pharmacie et dans certaines salles) par une offre de produits qui semblent tous plus merveilleux les uns que les autres. Tel stack nous garantit 250% de testostérone en plus grâce à ses actifs sibériens ancestraux, telle pilule nous promet la jeunesse éternelle grâce aux extraits marins de la Fosse des Mariannes, etc. Puis la présentation du produit se termine généralement par l'argument définitif supposé emporter notre décision : "prouvé par la recherche scientifique" (ou "validé par des études scientifiques" ou toute autre affirmation du même acabit).

Je vais essayer de proposer quelques pistes (non-exhaustives) pour débroussailler ce qui ce cache derrière ce genre d'affirmation et identifier les questions à se poser.

En théorie, "prouvé par la recherche scientifique" signifie que la molécule ou le produit (voire le type d'entraînement) a été testé dans le cadre d'une ou de plusieurs études scientifiques. Pourquoi des études ? Parce que, même si elles sont imparfaites, c'est le seul moyen qui permette d'identifier de manière objective l'effet d'une molécule (ou d'un produit).

Idéalement, cela implique que ces études soient réalisées selon des protocoles précis et que le bénéfice de la molécule testée soit mis en évidence par rapport à un placebo (quand c'est possible). C'est à dire que dans des conditions rigoureusement identiques, la molécule aura un effet significativement plus marqué que le placebo. Il existe des calculs pour mesurer si l'effet est significatif (et à quel degré), nous y reviendrons ultérieurement.

Il faut aussi faire en sorte de limiter les biais, c'est à dire s'assurer que ce qu'on mesure correspond bien à l'effet de l'actif étudié et pas à celui d'une autre variable. Ne pas oublier non plus de s'arranger pour que les résultats soient reproductibles dans les mêmes conditions. Ainsi, on a parfois des surprises : une équipe scientifique trouve un résultat favorable, pourtant lorsque d'autres équipes tentent de reproduire l'étude, ça ne marche plus.

Je ne vais pas entrer plus avant dans les détails pour l'instant mais on voit déjà qu'il y a beaucoup de paramètres en jeu et que l'interprétation des résultats peut s'avérer complexe.

Sortons maintenant de la théorie et voyons ce qui nous est proposé dans la réalité des argumentaires. On s'aperçoit alors que le concept de "prouvé par la recherche scientifique" n'a pas la même signification pour tout le monde. Quelques exemples :

- pour certains, l'argumentaire se termine par "prouvé par la recherche scientifique" puis plus rien. Pas d'information supplémentaire, pas de référence. On nous demande juste d'y croire.

- pour d'autres, la "recherche scientifique" signifie que l'entreprise qui nous propose le produit a effectué elle-même quelques tests, donnés en référence.

- pour d'autres encore, les tests ont été réalisés par un "laboratoire indépendant" mais payés par le fabricant du produit étudié. Sans compter que "laboratoire indépendant" signifie parfois"agence de marketing".

Là aussi, je ne vais pas m'étendre mais on devine que les possibilités sont nombreuses et qu'il serait utile d'avoir un filtre pour faire le tri. Voici donc une liste de questions (à compléter), du plus général au plus précis, pour tenter d'y voir plus clair :

- l'argumentaire cite-t-il ses sources ?
- si oui, les études citées existent-elles ?
- sont-elles facilement consultables sur le net ? (au moins sous forme d'abstract)
- par qui sont-elles réalisées ?
- qui finance ?
- existe-t-il des conflits d'intérêts ?
- quelle est la taille de l'échantillon, grand ou petit ?
- quelle est leur nature ? (in vitro, in vivo, épidémiologique, d'intervention, etc.)
- ont-elles été menées sur des animaux ou des humains ?
- si sur des humains, des humains en bonne santé ou des humains malades ?
- si sur des humains en bonne santé, s'agissait-il de sportifs entraînés ou de sédentaires ?
- si sur des sportifs, pratiquaient-ils une discipline axée sur l'endurance ou l'explosivité ?
- s'il s'agissait de culturistes, étaient-ils débutants ou confirmés ?
- s'il s'agissait de culturistes, étaient-ils naturels ou dopés ?
- l'étude a-t-elle un rapport avec l'argumentaire ?
- si oui, apporte-t-elle confirmation ou contradiction ?
- quels sont les biais éventuels du protocole ?
- la conclusion est-elle en accord avec les résultats ?

Cela peut sembler fastidieux de prime abord mais avec l'habitude on va assez vite. On peut attribuer mentalement un point à chaque question pour laquelle on obtient une réponse favorable. Cela permet d'avoir une idée de la fiabilité de la promesse de l'argumentaire. Ainsi un fabricant qui dit : "mon produit va vous rendre énorme, c'est prouvé point-barre" sera probablement à cataloguer comme peu fiable. A l'opposé, un fabricant qui propose des études d'intervention favorables, indépendantes, consultables sur le net, réalisées en double-aveugle contre placebo sur un large échantillon de culturistes naturels tout en minimisant les biais sera probablement proche du Saint-Graal (avec évidemment toute une gamme de possibilités entre ces deux extrêmes).

Cette grille de lecture peut évidemment s'appliquer à un article de presse, à un commentaire sur une page web ou à un avis donné sur un forum. Je reviendrais prochainement plus en détail sur les problèmes soulevés par ces différentes questions.

par **djjammas59** le 29/01/2011 18h46

Merci pous les infos Laurent Buhler
c'est vrai que beaucoup de gens se font avoir avec ça ...

par **tonio69** le 30/01/2011 12h16

En gros ce serait de la publicité mensongaire non?

par **Jimmy** le 30/01/2011 14h42

Même si le ménage a un peu été fait pour certains alicaments notamment, pour certains produits et certaines campagnes marketing, on peut en effet s'interroger sur la compétence ou l'impartialité des instances sensées contrôler ces allégations...
Un minimum de recul et de (bon)sens critique est toujours salutaire devant des étiquettes et des promesses qui brillent un peu trop

par **Zato** le 30/01/2011 15h48

J'ai une question, est-ce que l'AMM, si c'est toujours comme cela que ça s'appelle, est validé après études du laboratoire pharmceutique qui a lui même fabriqué le médicament?

wiki a écrit:Lorsqu'un laboratoire pharmaceutique désire mettre en vente un produit de santé (médicament, produit d'analyse, etc.), il doit présenter un dossier auprès de l'autorité compétente concernée. L’AMM est délivrée soit par les autorités nationales compétentes...

Et question subsidiaire, les membres de l'autorité compétente, qui sont-ils?

par **Laurent Buhler** le 31/01/2011 11h59

Je n'ai pas les connaissances requises pour répondre à cette question. J'ai lu par exemple que les conditions de mise sur le marché de la FDA (autorité de santé américaine) sont très strictes et procédurières, ce qui n'empêche pas que les tests et études des médicaments candidats soient financés par les entreprises pharmaceutiques elles-même. Ce qui, en soi, pose déjà question.

On peut également s'interroger sur l'indépendance et les éventuels conflits d'intérêt des membres de ce type d'autorité, une situation peu claire fréquemment dénoncée par Thierry Souccar entre autres. D'ailleurs le récent scandale du Mediator laisse planer un certain nombre de doutes.

par **Jimmy** le 31/01/2011 12h32

Pour ce qui est de l'impartialité des "sages" et des décisions de santé publique, voir aussi l'affaire des vaccins pendant la terrible pandémie dévastatrice de grippe aviaire...

par **Zato** le 31/01/2011 13h26

Merci!

Disons que comme je ne suis plus tout jeune, j'avais assité à d'autres scandales comme le Vioxx, Isoméride, Distilbène, j'en oublie.
Enfin, bref ce n'est pas tellement l'objet de ce sujet

http://www.youtube.com/user/cacahouetech · par **Jose Casasampera** le 22/07/2011 18h25

J’ai regardé la présentation de Conférence de Jean-Marie Bourre sur le lait
5e partie. Des questions posées à Jean-Marie Bourre( Durée: 6:51.)

Il est très embarrassé par la question d’un auditeur au sujet du possible biais des études financées par les privés. Je le trouve de mauvaise foi dans sa manière de répondre. Car le biais est le résultat des choix et actions des mandataires, pas celui des chercheurs, qui en général font le travail pour lequel ils sont payés professionnellement. Il essaie de s’en sortir en défendant l’honnêteté des études, ce qui n’était pas la question qui lui était posée.

par **Francois G.** le 22/07/2011 21h27

faut acheter le sport et vie hors série du mois, jean marie bourre, serge hecberg et quelques autres se font tailler en piece :idiot:

( ya pas le gros cohen dommage...)

par **Harvester** le 23/07/2011 19h33

Quel article ?

par **uiien** le 02/08/2011 11h04

bonjour,

voilà un sujet trés intéressant,je suis chercheur pas dans la nutrition mais dans les composites,pour faire simple les études sont le plus souvent financé par des fonds privés,pour qui le seul but est d'avoir des résultats le plus vite possible sans vraiment imaginé les avantages/inconvénients à plus ou moins long terme.

les sociétés privés restent des pompes a frics,alors que les chercheurs sont tous des passionnés.

par **delacouleur** le 03/08/2011 02h29

uiien a écrit:les sociétés privés restent des pompes a frics,alors que les chercheurs sont tous des passionnés.

Troll ? je suis chercheur, et pas vraiment passionne... pour moi c'est juste un boulot comme un autre. Et puis j'aime le fric aussi. Faut pas croire tout le monde il est gentil tout le monde il est beau... Si les chercheurs étaient tous des passionnes, pourquoi ils se feraient chier a mentir dans les pubs juste pour publier plus, pourquoi ils font des contrats avec des boites prive, et blablabla...

par **Laurent Buhler** le 03/08/2011 20h24

Puisque José a relancé le débat, j’en profite pour ajouter quelques éléments.

Pour paraphraser Churchill, on pourrait dire que les études constituent le pire système d’analyse scientifique qui existe, à l’exception de tous les autres.

Cela sous-entend qu’il y a évidemment de nombreux biais dans les études : des conflits d’intérêts, des financements obscurs, des variables non-maîtrisées, des associations douteuses, etc.

Partant de ce constat, il faut donc être vigilant dans la lecture des études. À vrai dire, il faut déjà, quand c’est possible, commencer par LIRE les études et ne pas se contenter de survoler l’abstract. Il n’est pas rare en effet que le contenu de l’abstract soit assez (voir totalement) éloigné des résultats réels obtenus. C’est le cas de certaines études qui ont servi à fonder la théorie du cholestérol comme agent causateur des maladies cardiovasculaires. Il arrive également que l’abstract donne une vue partielle des résultats, ce qui conduit à une interprétation erronée. Je pense par exemple à une étude récente dont l’abstract indique que la consommation de suppléments de calcium augmente les risques d’infarctus.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21505219
Or une lecture complète de l’étude révèlera des résultats bien plus nuancés.

Une fois qu’on a lu l’étude, on peut se poser les questions dont je parle dans le post initial de ce fil. On s’apercevra, pour prendre un exemple, qu’une partie des études menées sur le PeptoPro incluent parmi les chercheurs un employé de la société DSM qui fabrique justement le PeptoPro. Y a-t-il un conflit d’intérêt ? Certainement. Pour autant, si la méthodologie est valable et a été correctement appliquée, l’étude n’est pas forcément caduque.

Bref, pas facile d’y voir clair. Cependant, les études restent le seul outil permettant d’élaborer une recherche scientifique statistiquement valide et reproductible même si elle demeure, et demeurera, toujours imparfaite.

À l’opposé, le fait que quelques individus mangent plusieurs dizaines de bananes par jour, dans un contexte non contrôlé et sur un laps de temps non défini, constitue au mieux une observation anecdotique.

par **R. Wagner** le 04/08/2011 00h14

Voici donc une liste de questions (à compléter), du plus général au plus précis, pour tenter d'y voir plus clair :
[....]

- effectifs, effectifs, effectis.

Trop souvent je vois des études dans des revues sérieuses avec des effectifs de 4 et des gens assez cons pour faire des stats avec.

par **R. Wagner** le 04/08/2011 00h21

Jose Casasampera a écrit:J’ai regardé la présentation de Conférence de Jean-Marie Bourre sur le lait
5e partie. Des questions posées à Jean-Marie Bourre( Durée: 6:51.)

L'argument sur le parkinson. :wtf:

Surtout que l'on a montré que les personnes atteintes de parkinson ont souvent un comportement à risque financiers.

par **Ragnarokr** le 04/08/2011 08h21

R. Wagner a écrit:Surtout que l'on a montré que les personnes atteintes de parkinson ont souvent un comportement à risque financiers.

Tu parles des achats compulsifs?
Si c'est cela, ce n'est pas lié à Parkinson mais aux effets secondaires des traitements.

par **R. Wagner** le 04/08/2011 18h34

Ragnarokr a écrit:
R. Wagner a écrit:Surtout que l'on a montré que les personnes atteintes de parkinson ont souvent un comportement à risque financiers.

Tu parles des achats compulsifs?
Si c'est cela, ce n'est pas lié à Parkinson mais aux effets secondaires des traitements.

Pas forcément.
Cela arrive surtout chez des patients qui ont une mutation dans leurs récepteurs de la dopamine.