par Guen le 05/02/2006 03h23
Le lait est-il dangereux pour la santé?
Relayée par les partisans des médecines douces, une campagne se développe contre les laitages. Ils ne seraient pas particulièrement bénéfiques, une consommation importante pourrait même être néfaste
Pour
Thierry Souccar
Coauteur de Santé, mensonges et propagande. Arrêtons d'avaler n'importe quoi (Seuil, 2004)
«Mieux vaut consommer des laitages avec modération»
Quand les experts du Programme national nutrition santé et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) recommandent trois ou quatre laitages par jour pour prévenir l'ostéoporose, on présume que ce conseil s'appuie sur des preuves irréfutables. Notre longue enquête montre qu'il n'en est rien. Ecoutez Roland Weinsier, de l'université de l'Alabama, qui a analysé les résultats des 57 études publiées sur le sujet: «On a du mal à voir l'intérêt des laitages parce que leur bénéfice sur la densité osseuse est extrêmement faible.» L'Organisation mondiale de la santé a même reconnu, il y a deux ans, que les pays qui consomment le plus de produits laitiers détiennent les records mondiaux de... fractures du col du fémur! Ils font également face à une épidémie de diabète infantile (dit «de type 1») sans précédent. Suspects? Encore les laitages. Introduits trop tôt dans l'alimentation, ils déclencheraient chez certains enfants une maladie auto-immune responsable de la destruction des cellules du pancréas.
Comment des aliments courants peuvent-ils, à dose élevée, avoir des conséquences si calamiteuses? Nous ne consommons des laitages que depuis huit mille ans. Un laps de temps insignifiant à l'échelle de l'histoire de l'humanité. Pour la majorité d'entre nous, porteurs de gènes venus du fond des âges, le lait est encore un intrus: 75% des habitants de la planète ne le digèrent pas. Consommés aux doses officielles, les laitages abaissent notre niveau de vitamine D, substance connue pour ses effets anticancer. Les études publiées à ce jour suggèrent d'ailleurs une «association positive» entre laitages et cancer de la prostate. Pas de preuves formelles, certes, mais une inquiétude. Une de plus. Qui conduit l'Institut américain de recherche sur le cancer à recommander de consommer dorénavant des laitages «avec modération». C'est aussi le message de l'Ecole de santé publique de Harvard, que nous relayons dans notre livre.
Chaque jour, un ou deux aliments sources de calcium suffisent: laitages, mais aussi eau minérale, légumes, amandes ou sardines. Les experts français vont-ils finir par se rallier à ces conseils de bon sens? On veut le croire, même si, à l'Afssa, 20 des 29 experts en nutrition sont liés à l'industrie laitière!
Contre
Dr Jean-Marie Bourre
Membre de l'Académie de médecine, auteur de La Vérité sur les Oméga 3 (Odile Jacob)
«Aucune étude sérieuse ne démontre la toxicité du lait»
Le procès du lait est ancien. Mais les arguments avancés par ses détracteurs restent très légers. La consultation des banques de données d'articles scientifiques l'atteste: il n'y a pas d'étude sérieuse qui démontre la toxicité de cet aliment. Certes, il y a des allergies au lait de vache. On peut alors lui substituer les productions d'autres mammifères. Attention au «lait» de soja, bien mal nommé, car il n'a absolument pas la même valeur nutritive que ses homologues animaux.
Le combat antilait est complètement irrationnel. Souvent, ceux qui condamnent cet aliment sont également hostiles à la consommation de viande. Ses pourfendeurs invoquent un argument: l'organisme humain ne serait pas fait pour utiliser la production d'une autre espèce. Or la vérité est exactement inverse. C'est parce que nos lointains ancêtres ont eu le génie de consommer le lait des animaux que l'homme est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Le calcium et les protéines que renferme ce liquide lui ont assuré des os plus solides, plus efficaces. La station debout a ainsi été facilitée.
Le lait est indispensable dans le cadre de l'équilibre alimentaire. Il contient tous les acides aminés qui servent à élaborer les protéines indispensables au développement et à l'entretien des cellules de notre corps. C'est la principale source de calcium, car cette substance n'est présente dans d'autres produits (légumes verts, fruits secs...) qu'en très petite quantité. Il faudrait «brouter» exactement 3,9 kilos de chou vert cuit pour ingérer l'équivalent d'un litre de lait (1 200 milligrammes de calcium). Le Plan national nutrition santé a évalué les besoins en calcium nécessaires pour assurer la croissance des enfants et maintenir le plus longtemps possible le capital osseux des adultes. L'apport quotidien conseillé varie en fonction de l'âge et du sexe, entre 500 milligrammes pour les enfants de moins de 3 ans et 1 200 pour les femmes ménopausées. Les habitudes alimentaires de nombreux Français (notamment les personnes âgées) se situent en dessous des doses préconisées par les autorités sanitaires. La consommation moyenne de lait est, chez nous, inférieure à celles observées dans bien des pays étrangers. Il est dangereux d'encourager nos compatriotes à manger moins de produits laitiers.