Les baies et fruits rouges constituent une grande famille. On y trouve entre autres les myrtilles, les framboises, les mûres, les fraises, le cassis, les groseilles, les cranberries, les baies d'açaï. Ces fruits font l'objet de nombreuses recherches, en particulier en ce qui concerne les pigments qui sont à l'origine de leur couleur. Certains auteurs posent en effet l'hypothèse que ces pigments (ou assimilés) parmi lesquels les anthocyanes ou la fisetine pourraient avoir des effets bénéfiques pour la santé. Leur rôle en tant qu'antioxydants est sujet à controverse mais on envisage qu'ils aient une action favorable sur certains mécanismes de communication cellulaire, sur la prévention de certains cancers et sur l'activation des sirtuines.
Pour commencer, je vais donc vous proposer quatre études et deux articles sur ce sujet :
La première, réalisée in vitro, suggère que les polyphénols des myrtilles pourraient réduire l'impact sur les muscles du stress oxydatif survenant après un exercice très intense (excessive exercise).
Blueberry fruit polyphenolics suppress oxidative stress-induced skeletal muscle cell damage in vitro. (2010)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19885847
Bien que cela semble séduisant sur le papier, un certain nombres de limitations sont à prendre en compte. Comme indiqué, il s'agit d'une étude in vitro où les extraits de fruits ont été portés directement au contact des cellules musculaires. La transposition à l'homme est donc hasardeuse puisque la presque totalité de ces polyphénols risque, selon certains auteurs, d'être dégradés par le processus digestif avant d'atteindre le muscle. De plus, il est difficile d'extrapoler à partir de l'étude la quantité de myrtilles à consommer pour espérer avoir un quelconque effet. Enfin, on peut envisager qu'une certaine dose de stress oxydatif contribue à l'adaptation musculaire, auquel cas il serait contre-productif de le supprimer totalement. C'est toutefois une variable difficile à évaluer.
La deuxième étude a été menée sur des chiens de traîneau dont l'alimentation a été supplémentée en myrtilles avant des séances d'exercices.
Total antioxidant power in sled dogs supplemented with blueberries and the comparison of blood parameters associated with exercise. (2006)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16520073
Là encore, la prudence s'impose puisqu'il s'agit de chiens et non d'humains. Mais on n'est plus en laboratoire et les myrtilles administrées subissent le processus digestif des chiens étudiés. Cette étude indique que les animaux supplémentés ont bénéficié d'un meilleur statut en antioxydants post-exercice relativement à un groupe de contrôle.
La troisième et la quatrième études concernent des individus obèses.
Bioactives in blueberries improve insulin sensitivity in obese, insulin-resistant men and women. (2010)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20724487
Blueberries decrease cardiovascular risk factors in obese men and women with metabolic syndrome. (2010)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20660279
Cette fois, les études ont été menées sur des humains avec un protocole en double-aveugle contre placebo dans un cas et un groupe contrôle dans l'autre. On a une idée du dosage quotidien utilisé : 45 g "d'extraits bioactifs" dans un cas, 50 g de myrtilles déshydratées dans l'autre (équivalent à 350 g de myrtilles fraîches). En revanche, on se trouve en présence de sujets en situation pathologique qui présentent une résistance à l'insuline et un syndrome métabolique. Les résultats sont malgré tout intéressants quoique difficiles à interpréter : dans un cas l'absorption de myrtilles a permis d'améliorer la sensibilité à l'insuline, ce qui peut se traduire par une meilleure pénétration du glucose dans les cellules et par un report du risque d'apparition d'un diabète chez ces sujets insulino-résistants. En revanche, on note que le taux de masse grasse et le niveau des marqueurs de l'inflammation n'ont pas été modifié.
Dans l'autre cas, la glycémie des sujets étudiés n'a pas été modifiée (ce qu'on pourrait interpréter comme une absence d'amélioration de la sensibilité à l'insuline) mais leur pression sanguine a diminué d'environ 5% et les taux sanguins de certains marqueurs du stress oxydatif ont baissé également.
On constate que ces résultats, en apparence contradictoires, nécessitent la poursuite d'investigations concernant les vertus éventuelles des myrtilles et des composants que l'on peut en extraire. C'est l'objet des deux derniers articles qui reprennent un certains nombres d'arguments rationnels en faveur de l'utilisation d'extraits de fruits rouges pour la prévention et/ou le traitement de certains cancers (on gardera cependant à l'esprit que certaines molécules se révèlent parfois plus efficaces en préventif qu'en curatif). Ils contiennent également la description d'études en cours sur des humains.
Cancer Prevention with Freeze-dried Berries and Berry Components. (2007)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2196225/
Foodstuffs for Preventing Cancer: The Preclinical and Clinical Development of Berries. (2009)
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2196225/
On peut donc envisager qu'intégrer une consommation régulière de fruits rouges à ses habitudes alimentaires constitue une option intéressante à long terme. On peut également noter que ces fruits (ainsi que d'autres baies) représentaient une part non négligeable des apports alimentaires de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs du paléolithique. J'aurais l'occasion de revenir sur ce concept dans un sujet dédié.