**********************************************************************
Désolé pour la tartine... mais ça en vaut peut-être la peine. Et puis je suis un peu bavard lorsque le sujet me passionne... surtout lorsqu'il s'agit d'argumenter pour faire comprendre des choses relativement complexes.
Bonne lecture à tous les SWT
**********************************************************************
Il ne faut pas s'absenter longtemps dans ce forum sous peine de se voir obligé de lire une tartine de "post"...
Plusieurs d'entre eux m'amènent aujourd'hui à sortir de mon train-train de fin d'année universitaire, avec son lot de copies à corriger, pour donner quelques que précisions qui pourront peut-être éclaircir les idées de certains d'entre vous sur les publications concernant ce thème si controversé.
Vincent a écrit:je ne crois pas trop au one set, mais plutot à un certain nombre de contractions à partir du quel les gains sont minimes. La courbe gains-volume d'entrainement est logarithmique.
Jusqu'à X répétitions (TOTAL, pas dans une série), il y a des gains, 2 reps c'est mieux qu'une, 4 reps c'est mieux, 8 reps... 10 reps peutêtre et à partir de la, on entre dans la phase de la courbe ou les gains additionnels sont inexistants ou presque.
Je crois que Vincent est dans le vrai lorsqu'il dit qu'il faut raisonner en terme de cumul de répétitions sur une séance plutôt qu'un nombre de répétition par séries? car au bout du compte c'est bien en multipliant le nombre total de rép par la masse soulevée à chacune d'elles que l?on obtient la
charge d'entraînement, le fameux
training impulse de certains physiologistes.
Idem lorsqu'il dit que TOUS les phénomènes physiologiques sont régulés par des systèmes dont la relation finale est curvilinéaire (donc jamais linéaire !). C'est ce qui fait la spécificité des systèmes biologiques...
Autre chose importante : la difficulté de compréhension de ces phénomènes réside dans la confusion qui est faite entre le stress total (charge d'entraînement) et ses composantes (série, rép, kilo). Il s'en suit que la façon d'appréhender les effets de l'entraînement est en train de changer progressivement Regardez par exemple la révolution qui s'est opérée dans l'entraînement de fond et de demi-fond (distance égale ou supérieure à 5000 m) avec l'apport du travail fractionné (voir plus bas la définition).
Avant on pensait qu'il fallait faire uniquement des sorties longues pour améliorer les perf au marathon. Le problème était que, si cela permettait d'améliorer l'endurance (sorties de plus en plus longues à une même vitesse de course), cela ne suffisait pas à améliorer le temps de course (amélioration de la perf sur une distance donnée). En effet, la perf du marathon est multifactorielle. Elle dépend :
* de la vitesse minimale qui permet de solliciter au maximum les capacités aérobies du sujet (la fameuse
Vitesse Maximale Aérobie, VMA) ;
* de la capacité du sujet à maintenir un fort pourcentage de cette vitesse pendant une durée la plus longue possible : c'est la définition de l'endurance ;
* de la technique de course qui a des répercussions directes sur l'
économie sous-maximale de course qui fait que, pour une même VMA et une capacité d'endurance identique, un sujet sera plus économe qu'un autre et puisera moins dans ses réserves qu'un autre, ce qui l'avantagera en fin de course notamment pour l'accélération finale. Cette économie est liée également à des facteurs biomécaniques.
En caricaturant, on peut considérer que la VMA correspond à la cylindrée du moteur, l'endurance au nombre de tour/min avant que la personne n'entre dans le rouge et l'économie de course au réglage du moteur qui permettra une consommation optimale en fonction du régime (%VMA) adopté.
Et le travail fractionné dasn tout ça
Il consiste à réaliser des séries de course à une vitesse égale ou supérieur à la VMA (100 à 120% VMA) pendant une durée allant de 15 à 45 secondes en alternant une course de 15" avec une phase de repos de même durée. On parle de 15-15, 30-30 par exemple avec des variantes possibles comme le 30-15 ou 45-30 que l?on utilise généralement avec les coureurs les plus expérimentés.
Ce travail est donc réalisé au maximum des capacités de "cylindrée" du sujet. Le résultats que l?on obtient est une augmentation de la VMA, et donc de la perf d'endurance. Prenons un exemple : avant l'entraînement spécifique, un sujet a une VMA de 20 km/h et est capable de maintenir 80% de cette VMA (16 km/h) pendant 2h, ce qui fait une distance de 32km en 2 heures. Suite à l?entraînement en fractionné, sa VMA passe à 22 km/h. Il aura toujours la même capacité d'endurance (80% du max pendant 2h) mais en valeur absolue, il sera capable de courir une distance plus importante (80% de 22km/h = 17.6 * 2 = 35.2 km) avec un gain d'environ 9% !! (((35.2-32)/35.2)*100 = 9.09 %). On peut reprendre le raisonnement différemment en disant qu?il courra la même distance 32km/h en moins de temps avec un gain de temps du même ordre en % (1h49 vs 2h pour courir les 32 km par exemple).
Ceci est une démonstration du
principe de spécificité de l'entraînement.
Pour améliorer la VMA, il faut s'entraîner à une vitesse identique à la VMA ou légèrement supérieure en ajustant le temps de course en conséquence afin de provoquer les adaptations qui permettront de l'améliorer avec l'entraînement. Mais cette vitesse est telle qu'on ne peut la tenir plus de 7 min environ et en moyenne... Il faut donc essayer d'augmenter le temps pendant lequel on stimulera l'organisme à cette vitesse idéale : c'est que propose justement le travail fractionné.
Le même raisonnement est applicable pour la force max.
Dès 1966, Zatsiorsky (physiologiste russe actuellement en poste au Canada) a clairement identifié le problème et propose (toujours) de travailler avec des charges lourdes proches de la 1RM pour
améliorer la force max du sujet (voir
, Ã ce sujet).
Par conséquent, il est logique de constater que, en utilisant une même charge, la force max sera augmentée, de façon similaire, avec un nombre de répétition compris entre 8 et 12 (série unique) et un nombre de répétitions entre 24 et 36 (trois séries) puisque les adaptations du muscle à l'entraînement suivent une courbe de type logarithmique. Il arrive donc un moment (actuellement on ne sait toujours pas quand ?!?!) où l'augmentation du nombre de répétitions ne provoque plus d'amélioration significative de la force max. La solution est alors d'augmenter l'intensité (augmentation de la charge) pour obtenir de nouvelles améliorations.
Dans le même temps, après 12-13 semaines d'entraînement, il y aura augmentation du volume musculaire (hypertrophie) avec les deux formes d'entraînements. Et puisque,
la force max d'un muscle est directement proportionnelle à la surface de sa section transverse physiologique (et non anatomique car il faut prendre en considération l'angle d'insertion des fibres musculaires au niveau des lames tendineuses dans les muscles pennés), alors toute augmentation du volume musculaire aura également des effets sur la force max.
Ce même principe (stimuler de façon maximale une fonction pour qu'elle puisse s'améliorer) est en train de contaminer le domaine des méthodologies des étirements comme je l'ai montré dans les pages de
. Ainsi les durées d'étirements pour améliorer la récupération post-exercice sont à revoir à la baisse dès lors qu'on les exécute au seuil de douleur tolérable par le sujet (à nouveau une sollicitation au max et une durée réduite sinon il y a traumatisme).
Dans les dernières recommandations du très connu Collège Américain de Médecine du Sport, rédigées par Kraemer et coll. (2002) dont la traduction française est disponible dans les pages de téléchargement sur
, on trouve la chose suivante :
« Pour les novices et intermédiaires, il est recommandé qu'une charge modérée soit utilisée (70-85 % de 1 RM) pour 8-12 répétitions par série, et 1-3 séries par exercice. Pour l'entraînement avancé, il est recommandé qu'une charge de 70-100 % de 1 RM soit utilisée pour 1-12 répétions par série, 3-6 séries par exercice, de façon périodisée, pour que la majorité de l'entraînement consiste en des charges de 6-12 RM et un peu moins d?entraînement avec des charges de 1-6 RM. » (p. 19).
Or, dans une
(j'ai l'article complet les personnes intéressées) qui compare 2x, 4x et 6x au niveau des effets sur la force maximal, hypertrophie et endurance de force, les conclusions sont un peu différentes au regard des réponses hormonales et lactiques des différentes formes d?entraînement :
FM = Force maximale = 5 rep @ 88% et 3 min de récup entre chaque série ;
HM = Hypertrophie musculaire= 10 rep @ 75%, 2 min de récup entre chaque série ;
EF = Endurance de force= 15 rep @ 60%, 1 min de récup entre chaque série.
Chaque protocole est répété 2x, 4x et 6x par les sujets pour les deux premiers protocoles et 2x et 4x pour l'endurance pour que la durée de séance soit similaire pour tous les protocoles. Ces sujets étaient tous confirmés, c'est-à -dire qu'ils avaient de 2 à 8 ans d'expérience dans la musculation mais pas d?orientation spécifique pour faire de la compétition dans un sport donné).
Voici, le résumé des résultats :
* le nombre de série n'affecte pas la réponse hormonale pour FM ;
* la concentration d'acide lactique est plus importante, quel que soit le nombre de série, après HM et EF ;
* il n'y a pas de différence significative entre 2x et 4x pour EF au niveau de la concentration en acide lactique ;
* le cortisol et la hGH (hormone de croissance) sont plus élevés après 4x par rapport à 2x dans HM et EF ;
* il n'y a pas de différences dans les réponses hormonales entre 4x et 6x pour HM ;
* le cortisol et la hGH sont plus élevés après HM et EF que dans FM ;
* la hGH est plus élevée après EF que dans HM que l?on fasse 2x ou 4x ;
* le cortisol est plus élevé après EF uniquement lorsque 2x sont réalisées ;
* la testostérone ne change pas quel que soit le protocole utilisé.
Que conclure de ceci
1°) Ce n'est pas en augmentant le nombre de série que l'on va améliorer les adaptations hormonales pour FM car ce sont principalement les facteurs nerveux qui sont ciblés. A ce sujet, certains haltérophiles de niveau avancés ont souvent des augmentations de la force sur une période de 2 ans avec peu ou pas d'hypertrophie musculaire (Häkkinen et coll. 1988), montrant ainsi le rôle important des adaptations nerveuses même à un niveau élevé d?entraînement indispensable pour réaliser de tels levers.
2°) Les protocoles n'ont eu aucun effet sur les concentrations en testostérone.
Alors que pour le cortisol et la hGH, les plus fortes concentrations ont été enregistrées avec 4x par rapport à 2x. Rappelons que ces deux hormones contribuent non seulement à l'augmentation de la force et de la masse musculaire mais aussi à une diminution de la masse graisseuse.
Néanmoins, l'analyse détaillée montre deux choses importantes pour notre débat :
=> aucune différence n'a pu être mise en évidence entre 4x et 6x pour HM !
=> les concentrations mesurées avec 2x et 4x montrent qu'avec 2x on obtient un terrain propice au développement de l'hypertrophie. La particularité de 2x par rapport à 4x est qu'il n'y a pas élévation du cortisol
et donc moins de catabolisme.
Qu'y a-t-il de si intéressant là dedans
Il faut de rappeler que l'hypertrophie musculaire est le résultat d'une accumulation de protéines, soit par une synthèse plus élevée, soit par une plus faible dégradation ou les deux (Booth et coll. 1991). Ce que l'article montre de façon claire pour la première fois, c'est que l'augmentation du nombre de série peut, certes, augmenter le catabolisme mais qu'il faut en contre partie avoir une plus grande libération de hGH pour compenser son effet sur l'organisme et espérer ainsi obtenir une hypertrophie. Par contre, avec 2x, nul besoin de produire plus de hGH puisque la concentration de cortisol ne bouge pratiquement pas.
C'est une belle démonstration des différentes façons d'obtenir une hypertrophie : la cool et la bourrine
Cest aussi une nouvelle preuve que l'augmentation du nombre de série n'est pa forcément la meilleure réponse si l'on souhaite obtenir des gains en masse musculaire puisque de passer de 4x à 6x n'apporte pas d'amélioration significative
3°) Les élévations de hGH étant similaire avec 2x et 4x pour le protocole EF, il ne semble pas nécessaire d'augmenter le nombre de série pour améliorer cette qualité physique
Ce qui va encore dans le sens d'une réduite du nombre de série... ou plutôt du nombre total de répétitions dans une séance pour reprendre la logique de la proposition de Vincent.
Les auteurs soulignent à nouveau l'intérêt de
mener des recherches qui permettraient de déterminer s'il y a un point particulier où l'augmentation du nombre de séries ne réussirait plus à augmenter les réponses hormonales chez les sujets experts, comme ils l'ont observé chez des sujets confirmés.
Pour conclure, un petit medley en réponse à ces posts :
Nicolas Delporte
Posté le : 20/05/2004 à 11h47.
On a qu'une vie et pas de temps à perdre
Nico se trouvera conforté dans son opinion...
Skyos
Posté le : 20/05/2004 à 22h28
Ces théories c'est très fumeux à mon goût. Déchirer la fibre au lieu de vous poser tant de questions
Skyos comprendra qu'il y a d'autres façons de progresser en hypertrophie que de casser de la fibre puisqu'il existe des méthodes permettant de favoriser la synthèse ! Ca s'appelle de l'optimisation...
Plasma
Posté le : 23/05/2004 à 15h30
Autrement dit, deux études menées sur des pratiquant expérimentés (4 ans et 6 ans de training montrent qu'il n'y a pas de différence, tant en terme de résultats que de sécrétion hormonale. Mieux, le groupe multi-set avait un ratio testo/cortisol défavorable par rapport au groupe one-set.
L'étude de Smirios et coll (2003) montrera de façon évidente que le choix d'un protocole d'entraînement n'est pas anodin et qu'il y a des incidences sur les réponses hormonales qui ne peuvent être ignorées contrairement à ce que certaines publications laissent entendre
y compris pour les "petites" séries.
Par ailleurs, ce n'est pas le ratio testo/cortisol qui semble le plus approprié pour évaluer les effets d'un entraînement de musculation sur l'hypertrophie mais plutôt celui de hGH/cortisol puisque les variations de testostérone sont sujettes à de très fortes différences inter-individuelles et ne sont pas fiables.
Body
Posté le : 23/05/2004 à 21h41
On sait que...
Je cite toujours mes sources pour éviter justement ce genre de palabre et ne pas me prendre un rateau faute d'arguments sérieux à proposer pour convaincre quelqu'un que ces idées ne sont pas forcément les meilleures et qu'il y a peut-être mieux ailleurs.
Ensuite, ce n'est pas parce que deux phénomènes apparaissent en même temps (corrélation) qu'il existe une relation de causalité entre les deux. Ainsi, la production d'acide lactique qui apparaît en même temps que celle de hGH durant l'entraînement n'a pas, à l'ehure actuelle, été identifiée comme le seul responsable de l'augmentation de la sécrétion de hGH. D'autres facteurs qui apparaissent en même temps peuvent être aussi responsables comme le souligne de nombreuses études où plusieurs candidats potentiels ont été proposés (e.g. Godfrey et coll. Sports Med. 2003;33(8):599-613).
Encore une fois, il ne faut considérer pour acquis ce que l'on peut lire dans les livres de physio et encore moins ce que vous trouverez dans les soi-disant sites dédiés à l'entraînement de musculation qui conseillent tout plein de belles choses et les présentes comme étant la panacée sans pour autant en apporter la preuve.
En ce qui me concerne, je pense que ce ne sont certainement pas les meilleures sources que l?on doit utiliser comme modèle... Surtout pour le sujet qui me tient le plus à coeur dans ma démarche de chercheur, d'enseignant, de formateur et d'entraîneur : l?
optimisation des charges d'entraînement, c'est-à -dire trouver le meilleur compris en l'effet recherche et la dose à utiliser.
Robby1
Posté le :25/05/2004 à 10h49
Que les fainéants qui ne feraient pas de muscu s'il était possible d'avoir une hypertrophie sans la pratiquer fassent du one set, mais que ceux qui adorent s'entraîner, qui aiment les sensations et qui veulent les prolonger, ne se mettent pas de barrière en ayant peur d'en faire trop!
Et rappelez vous que
c'est avant tout le choix de la bonne l'intensité qui permet d'obtenir les meilleurs résultats et non l'augmentation à outrance des séries ! comme en témoigne les résultats obtenus chez l'homme dernièrement avec le travail excentrique
... mais ça, c'est une autre histoire que je vous raconterai uen prochaine fois
Complément de lecture : un résumé de cours d'un autre chercheur en physiologie du sport, très réputé dans notre milieu, et que j'apprécie pour la qualité de son travail :
.
@ très bientôt